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Manifestations en Arménie : de quoi sont-elles le nom ?

Publié le | par Engin | Nombre de visite 133
Manifestations en Arménie : de quoi sont-elles le nom ?

Manifestations en Arménie : de quoi sont-elles le nom ?

Source ; https://www.lejdd.fr/international/manifestations-en-armenie-de-quoi-sont-elles-le-nom-145942

TRIBUNE. Depuis des semaines, des manifestations à Erevan s’opposent aux efforts du Premier ministre arménien Nikol Pachinian pour normaliser les relations avec l’Azerbaïdjan. Si une partie de la population estime qu’il s’agit d’une trahison, le dialogue est nécessaire pour la paix, analyse l’historien Sébastien Boussois*.

Sébastien Boussois

Depuis des semaines, des manifestations ont lieu à Erevan pour protester contre la politique du Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, qui cherche à normaliser au plus vite les relations de son pays avec l’Azerbaïdjan. Depuis la fin de la seconde guerre du Karabakh en 2020, et l’effondrement du régime séparatiste pro arménien en 2023, Bakou a repris la main sur le territoire qui lui avait été dérobé dans les années 1990 peu de temps après l’indépendance. Récemment, quatre villages stratégiques ont été rétrocédés à l’Azerbaïdjan, en même temps, que le tracé des frontières entre les deux pays avance, afin de parvenir à un accord définitif de paix au plus vite. C’est contre les dernières décisions que Pachinian que les manifestations se sont multipliées dans la capitale arménienne.

Nikol Pachinian, qui a tenté toutes les médiations avec la Russie, les USA et l’Europe, est perçu par ses derniers comme un traître. Or, il avait été réélu en 2021, tout en ayant déjà engagé la voie de la négociation avec Bakou. Lui va de l’avant face à son adversaire, l’archevêque Bagrat Galstanian qui vient de renoncer à ses fonctions spirituelles et veut lui ravir la place. Pour Pachinian, le temps est compté et la priorité est désormais à l’accélération du processus de normalisation des relations avec son voisin, pour inscrire l’Arménie dans une nouvelle dynamique : celle du renouveau politique et surtout économique.

Et qu’il n’y ait plus de point de non-retour, qui constituerait un sérieux danger de déstabilisation pour le pays.

Pachinian a compris que son pays avait trop longtemps subi le coût de cette occupation
Pays enclavé, le pays a trop longtemps été l’allié sans faille de la Russie et de l’Iran.

Beaucoup d’Arméniens n’en peuvent plus de la situation économique dans laquelle les ont plongés leurs dirigeants depuis 30 ans. L’indice de développement des Nations Unies place l’Arménie au 85è rang du tableau, sur un total de 191 pays. Son PIB annuel par habitant la place au 121è rang mondial ! Depuis plusieurs mois, les Occidentaux ont joué la carte de la séduction avec Erevan en lui allouant des fonds pour ne plus être totalement dépendante de Moscou et pour l’aider à se relancer économiquement. C’est notamment le cas de l’Union européenne, et en particulier de Charles Michel, président du Conseil Européen qui s’est largement investi dans la question.

Pachinian lui a compris au moins deux choses : que son pays avait trop longtemps payé le prix de ses partenaires russe et iranien, sous sanctions internationales, mais aussi subi le coût de cette occupation de 30 ans du Karabakh qui s’est soldé par un échec final. Pour beaucoup d’Arméniens, il tente d’écrire l’histoire et de sortir son pays du marasme économique : rien de bon n’émergera en Arménie sans intégration régionale, réconciliation avec le voisin, et développement économique tous azimuts. Notamment, car le pays, bien qu’enclavé, a la chance d’être au cœur des routes de la Soie et au carrefour des voies terrestres et humaines du Caucase Sud, trait d’union entre l’Europe et l’Asie.

Galstanian remue les braises en jouant la carte civilisationnelle et spirituelle
Erevan doit être au rendez-vous de ce boom de développement à venir. C’est pour cela que les Arméniens sont toujours derrière Pachinian. Pourtant, beaucoup d’Arméniens de la diaspora d’une part, et venus de Russie d’autre part sur place, ne le voient pas de cet œil : l’acharnement et la rancœur contre Pachinian qui aurait « abandonné » les séparatistes et les Arméniens du Karabakh doit démissionner. Dernièrement à la télévision, le Premier ministre Pachinian a assuré que la résolution des différends frontaliers avec l’Azerbaïdjan était « la seule garantie de l’existence même de la république arménienne dans sa frontière internationalement reconnue et légitime ».

Galstanian, nouveau leader auto-proclamé de l’opposition, remue les braises en jouant la carte civilisationnelle et spirituelle, et celle de la menace existentielle, pour diriger le pays. Il y a fort à parier que s’il l’emportait, la guerre serait de retour au Caucase-Sud.

* Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), collaborateur scientifique au Cnam Paris (Équipe Sécurité Défense), au Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire stratégique de Genève.


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